Esquisser l’enfant qu’on ne verra jamais
J’ai dévoré d’une traite la bande dessinée de Mireille St-Pierre, La brume. L’histoire est celle d’un jeune couple d’artistes, une dessinatrice et un photographe, confrontés à la perte de leur fille Romane, née prématurément. Lors d’une escapade à New York, riche en inspiration dans un premier temps, les projets du couple basculeront lorsque Myriam se met à perdre du sang : ils devront retourner chez eux les bras et le ventre vides, sans l’enfant qu’ils s’attendaient à accueillir dans leur vie.
En parcourant les images et les phylactères de ce recueil, beaucoup de choses sont remontées à la surface. Je dis remonter, mais rien n’est jamais enfoui bien loin. J’ai lu avec une boule dans la gorge. L’expérience du deuil, d’une grossesse qui ne se termine pas comme prévu, est dépeinte finement et de manière très réaliste sous la plume de Mireille St-Pierre.
Une expérience douloureuse qui reste souvent taboue dans la vie de tous les jours, mais qui, ici, trouve une forme pour sortir de la brume.
Faire avec le silence
Oscillant entre la luminosité et le pétillement de la grande ville où le couple voyage, puis la noirceur de l’avenir rêvé qui s’éteint soudainement, La brume rend bien visuellement les émotions et la transformation des personnages, même lorsqu’ils demeurent silencieux. C’est une des choses qui m’a plu dans cette BD, le fait qu’on puisse raconter sans mots – lorsqu’ils ne viennent pas, lorsqu’ils sont trop difficiles à trouver, lorsqu’ils semblent ne plus pouvoir rien dire – certains moments de l’expérience du deuil périnatal.
Certaines pages nous trouent d’ailleurs le cœur par le vide et le silence des cases (notamment celle de l’échographie suivant le drame, montrant désormais un écran noir, sans battements de cœur.)
La rencontre de Myriam et d’un cheval blanc, pour moi, est un moment fort de l’œuvre, un événement qui pourrait sembler banal, anodin, mais qui est alors chargé de sens, vécu comme une expérience symbolique, parlante pour le personnage, où le temps s’arrête comme pour saisir l’étrangeté de cette présence.
Mots à l'enfant disparu
Le temps passe, tu n’es plus qu’un fantôme.
Les jours suivants, tu t’es mise à entendre. Et moi, je me suis mise à voir.
Parce qu’il y a aussi des moments vibrants de vie dans ces pages, malgré tout.
Un livre touchant, aux images qui gardent la trace du temps qui passe, des petites étoiles qui filent dans nos existences.
Partager cet article