L’amour au temps des moteurs à réactionAprès son recueil Kérosène : carnet d’incendies publié aux Éditions Fond’tonne en 2015, Sophie Jeukens nous revient avec d’autres sulfureux poèmes aux odeurs de gaz dans Couchés en étoile dans la combustion lente des jours aux Éditions de Ta Mère. De Marseille à Chicago, pour revenir souvent sous les couvertures, la poétesse nous entraîne sur les pistes brûlantes de liaisons passagères et d’adieux fracassants qui ont marqué son parcours de jeune adulte. La plupart du temps, ces espaces du souvenir volent en éclat au moment …
Après Céleste de Maude Nepveu-Villeneuve et Dis merci de Camille Paré-Poirier
Récits de survivantes et d’endeuilléesLa vie n’est pas tendre pour les personnages de Camille dans le récit poétique Dis Merci et de Dolores dans le roman Après Céleste, qui doivent traverser des épreuves bouleversantes : le cancer pour la première, la perte d’un enfant pour la seconde. Mais elles renoueront avec l’espoir, avec le beau, avec la vie, si fragile soit-elle. Deux livres qui se tiennent d’abord au bord du gouffre qui menace d’avaler les héroïnes, pour ensuite les entraîner sur le chemin de la rémission.Après Céleste, avant la forêtL’histoire du …
Radiale de Valérie Forgues
Voie de collisionJ’ai découvert la poésie de Valérie Forgues avec Une robe pour la chasse, sans conteste un de mes recueils préférés. Avec Radiale, on accède à un nouvel univers. Un territoire de langage « en tête-à-queue », de corps et de matière accidentés, disloqués, que la poétesse file sur leurs lignes brisées.« Fixée au cou j’égratigne la zone le poignet embrasse tes grands axes en retrait pour me défenestrer sans abîmer le décor »Valérie ForguesDans la « succession des terres incendiées » et des « espaces éventrés », Radiale vibre au son d’un moteur, d’un …
Mauve est un verbe pour ma gorge de Nana Quinn
D’amour et d’ecchymoses Mauve est un verbe pour ma gorge : ce titre m’avait énormément marquée lorsque je l’avais lu l’année dernière sur la liste des poèmes finalistes pour le Prix de poésie Radio-Canada 2020 (prix que son autrice a d’ailleurs remporté). Depuis ce moment, je crois que j’attendais ce recueil. C’est donc avec une grande impatience que je me suis lancée dans le recueil de Nana Quinn, paru aux éditions Poètes de brousse. Et j’ai eu un gros coup de cœur! Inspirés par la violence conjugale qu’elle a subie, les …
Disparaître de Denise Desautels, avec les œuvres de Sylvie Cotton
Fouiller la cendre, parler du cœurComme j’aime aussi être accompagnée d’œuvres diverses lorsque j’écris, le recueil Disparaître de Denise Desautels m’a tout de suite interpellée. Chaque suite de la poétesse est escortée par une œuvre de Sylvie Cotton, une artiste autodidacte et interdisciplinaire ayant à son actif plusieurs expositions et livres d’artiste. Dans ce « face à face » d’images et de voix qui s’élèvent, les mots traversent les cadres pour plonger dans ce qu’ils protègent du silence, de l’oubli.« Tu dis Parfois j’ai peur tu insistes Contempler la mort. La cendre …
Nature morte au couteau d’Anne-Marie Desmeules
Génération désenchantéeEt si le monde tel qu’on le connaît s’effondrait, que le compte à rebours arrivait à sa fin pour la planète, où il ne restait que ruines et violence? Paru au Quartanier en 2020, le recueil Nature morte au couteau d’Anne-Marie Desmeules investit un territoire hostile où les luttes et les règles de survie du monde sauvage redeviennent nécessaires. La poétesse y imagine un futur postapocalyptique en le découpant « à pointe de canif », traversée après traversée. Sans repères, l’humain revenu à une sorte d’âge de pierre doit …
Tout est caché de Judy Quinn et Tropico de Marcela Huerta
Du smog et des fantômesCette semaine, je vous partage mes impressions sur deux livres ayant pour trame de fond des souvenirs de pays chauds et la présence de « fantômes » familiaux.Tropico de Marcela HuertaDans Tropico, Marcela Huerta s’adresse à son père, lui écrit au « tu ». Elle lui raconte ses rêves, ceux qu’elle fait après sa mort. Mais ce livre n’est pas tant pour le défunt. La narratrice cherche surtout à préserver les minces fils qui la relient à ses racines, en tant qu’immigrante chilienne de deuxième génération. Oscillant entre la prose …
Politique du pouvoir de Margaret Atwood
L’hameçon dans l’œil ouvert Avez-vous déjà lu la poésie de Margaret Atwood? J’ai adoré son recueil Politique du pouvoir. Écrits en 1971, ses poèmes ne font pas leurs 50 ans. C’est le point de vue d’une femme sur le couple, l’amour, les problèmes de communication, l’incompréhension, la fusion, puis la rupture. On passe par toutes les étapes d’une relation amoureuse, ici hétérosexuelle. Parfois, l’autrice décrit très froidement cette relation, comme un simple phénomène biologique. D’autres fois, elle l’aborde avec le langage militaire des batailles, où l’on désire un cessez-le-feu.« J’aborde …
Entomographie de Catherine Poulin
Frayer avec les arthropodesJ’ai découvert la poétesse Catherine Poulin avec sa suite Tailler les mammifères, pour laquelle elle a remporté le prix Piché en 2014. Son troisième recueil, Entomographie, reste sauvage, tout en adoptant un flot plus tranquille, une forme plus aérée, plus épurée. Après avoir exploré le monde de la chasse et de la taxidermie, elle aborde subtilement la vie minuscule et presque invisible des insectes, de leurs colonies qui résistent à notre envahissement. Il reste encore tant à apprendre des abeilles, cloportes, papillons et autres êtres cachés dans …
Pussy Ghost et Paroles biologiques aux Écrits des Forges
Critique de deux recueils parus aux Écrits des ForgesCe qu’on a dans le sangLe premier recueil de Carol-Ann Belzil-Normand est présenté ainsi par l’autrice :« À chaque histoire, un film enfante un poème. Raconter l’horreur de se faire imposer des choses sales. Récits cinématographiques sur l’oubli, le viol et l’espace. Trouver un lien avec l’univers, l’informatique, les mathématiques, le cosmos, le sexe et la violence racontés par une fille qui se fait son propre cinéma. Ultime souffle de sororité. »Carol-Ann Belzil-NormandDédiée aux femmes cinéastes, la suite « Celles de l’ombre » s’inspire des œuvres …