Terre à bois et femme de cœur
Paru aux Éditions de la maison en feu en 2020, Éventrer le bois est le premier recueil de poésie d’Emilie Pedneault. Revisitant les écorchures d’une enfance brisée par les « doigts envahissants [des] abus ordinaires », la narratrice nous livre des passages d’une force aussi brute et sauvage que son besoin d’attention et d’amour. Comme si l’écriture venait sabler à vif les émotions et les souvenirs.
Au fil des poèmes, Emilie Pedneault trace un portrait sans censure des relations abusives et des caresses qui détruisent. En effet, un peu dans la même veine que le recueil Elle des chambres de Laurence Veilleux (Poètes de brousse) – sur cet aspect, je pense qu’un dialogue intéressant pourrait naître entre les 2 œuvres – , on y aborde le drame qui se joue derrière les portes closes, les secrets de famille qu’on enterre.
on la dérobe
de ses dessins d’enfants
son hymen
une ombrepasser le temps gris
feuilleter l’oxyde
pages calcairesils n’y voient que du feu
à la maison
laissée seule
sur un plateau d’argent
on lui sert l’amour
cheaptout est jaune ici
la tapisserie
les rideaux
l’urine des animaux empaillés
La présence menaçante d’un chasseur jette son ombre partout où il avance. Laisse son empreinte sur tous les arbres de la forêt. Bientôt, « la mort se cache dans les pots de cretonnade remplis de petites fraises sucrées ».
Par ces images incisives et évocatrices, la poétesse recouvre son regard d’antan, celui d’une enfant qui garde le silence, « sous ses lèvres cousues de tamias blancs », prisonnière d’un village qui rapetisse sur lui-même. Puis, la jeune fille devenue femme défriche ses secrets traumatisants un à un, se purge de ses fantômes.
mon corps se laboure les entrailles
t’extraire prend un courage inédit
un scalpel pour bien arracher les nerfsc’est certain que ça reste imparfait
j’ai beau me passer la laine d’acier
de bord en bord
toujours je te sens
forcer la porte en moi
tu sauras jamais ce que ça fait
toi fort, toi homme
créer la vie
où certains injectent la mor
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