Miroir, miroir...
Parus cet automne, les recueils Belle pour rien de Julie Roy et Vanités d’Émilie Turmel multiplient les reflets et les effets de lumière qui se perdent sur les surfaces quotidiennes.
Deux plumes attentives, qui observent leurs diffractions sous des angles poétiques et personnels, en nous faisant ressentir une certaine mélancolie devant la glace.
Se mettre belle pour rien, sans rien attendre
Quand je cours après mes os
j’effraie l’oiseausur un banc patient
je déclare failliteune saison glisse
dans l’autreen robe
légère
Ce recueil est comme une petite promenade en coton ouaté, où on se remplit le cœur en « sniff[ant] [les] arbre[s] » et en « aval[ant] le ciel », « seule dans les bras du vent ». C’est doux, inspirant et un peu triste à la fois.
D’une simplicité désarmante flirtant avec le haïku, les images de la poétesse frappent juste. Elles sont belles pour rien, juste pour nous. Comme des « miette[s] de lumière » perdues dans la ville, des éclats de soi qu’on ramasse avec tendresse pour leur redonner un peu de lustre.
La vie me suit
n’importe oùje trouve mon cœur
dans les poubellesje le prends
je le frotteil brille
la nuit
« De ce côté de la vanité »
Il y a beaucoup de mystères et d’émotions qui dorment au fond des miroirs chez Émilie Turmel.
Dans son deuxième recueil, Vanités, l’autrice fouille les reflets de l’enfance et les ombres de la filiation qui se croisent à l’infini.
de ce côté de la vanité
l’œuvre avale la vie avale l’œuvre
comme la perle le grain de sable
l’enfant est là quelque part
assise au fond de moi
elle a tes yeux maman tes ombres
sans même l’avoir vue je sais
sa figure diffractéesa voie abîmée
dans la mienne brûle mauve
se faire belle
c’est s’arracher au jour
c’est collaboration tacite
aux pires contrebandes
Dans Vanités, l’autrice amène les lecteurs et lectrices au bout de ses images intimes, du regard déformé, tordu, qu’on pose souvent sur soi.
Un recueil qui porte et qui nous invite à nous observer avec un peu plus de bienveillance, afin de régler le « focus » sur l’avenir.
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