L’hameçon dans l’œil ouvert
Avez-vous déjà lu la poésie de Margaret Atwood?
J’ai adoré son recueil Politique du pouvoir. Écrits en 1971, ses poèmes ne font pas leurs 50 ans.
C’est le point de vue d’une femme sur le couple, l’amour, les problèmes de communication, l’incompréhension, la fusion, puis la rupture. On passe par toutes les étapes d’une relation amoureuse, ici hétérosexuelle.
Parfois, l'autrice décrit très froidement cette relation, comme un simple phénomène biologique. D’autres fois, elle l’aborde avec le langage militaire des batailles, où l’on désire un cessez-le-feu.
« J’aborde cet amour
comme un biologiste
j’enfile mes gants
de caoutchouc et ma blouse blancheTu le fuis comme un prisonnier
politique évadé, et ce n’est pas étonnant »
« Splendored Thing
Tu es suspendu au-dessus de la villeen cape rouge et collants bleus,
tes yeux clignotent à l’unisson.Les autres clients t’observent,
certains avec stupeur, d’autres avec ennui :
ils se demandent si tu es une arme nouvelle
ou une quelconque publicité.Quant à moi, je continue de manger;
je te préférais comme tu étais,
mais tu as toujours été ambitieux. »
« D’abord on m’a donné des siècles
pour attendre dans des grottes, des tentes
de cuir, en sachant que tu ne reviendrais jamaisPuis ça s’est accéléré : seulement
plusieurs années entre
le jour où tu es parti en cliquetant
dans les montagnes et celui (c’était
de nouveau le printemps) où j’ai levé les yeux
de ma broderie à l’approche du messager. »
La lutte semble toujours inégale.
Qui aime plus que l’autre? Qui trompe et qui pardonne? Qui est celle ou celui qui perd au change, qui perd son identité? Ici, on ne se cachera pas que c’est la femme, violentée, rabaissée et souvent privée de pouvoir.
Atwood décrit la part violente et déchirée de l’amour, celle qui nous écorche, tout en demeurant d’une grande lucidité.
« tu entres en moi
comme un crochet dans un œilun hameçon
dans un œil ouvert »
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