Le corps est une maison ouverte aux courants d’air
Après la publication de son premier recueil Le cours normal des choses (Les éditions du passage, 2015) et la direction du collectif Ce qui existe entre nous (Les éditions du passage, 2018), Sara Dignard présente sa « lignée de femmes sans repos » dans le recueil de poésie Te dire où : on y raconte une descente au plus profond du corps féminin — où dort une colère sourde —, puis une remontée de ses « chemins de chair », à la recherche de la lumière extérieure, d’une jouissance véritable.
Un recueil charnel, porteur d’une mémoire qu’il faut protéger comme une braise fragile dans les courants d’air.
Où allons-nous, en qui nous recueillir?
j’ai des pays fous en moi
où je pars seule avec des litres d’eau
jalousement préparée au piredes pays fous
où je suis la fille de mon père
je me crayonne
au creux des paumes
une maison sans excuse
où j’ai encore ma chambreune maison
qui serait un geste buriné
aux avant-bras de ma grand-mère
D’où venons-nous, de qui?
Cherchant « la fissure par où entre le froid », les poèmes brefs de Sara Dignard s’infiltrent dans les chambres de l’enfance et les ruelles des souvenirs. Sondant les points de rupture des corps, ils traversent les ventres de celles qui jouissent et portent la vie, comme les ventres vides de celles qui ne « garde[nt] rien des amours inassouvis ».
Les thèmes de l’absence et de la solitude s’y déploient sans effacer les moments d’accalmie et d’espoir qui se pointent à l’occasion.
j’enlève cette robe étroite
rongée par les mitesgarde vivante
ma lignée de femmes sans repos
on ne sait jamaisd’invisibles éclaircies
percent la vitre
Dans Te dire où, Sara Dignard répare ainsi méthodiquement ses fondations : des traces de l’hérédité familiale aux vices cachés des maisons brisant leur promesse d’abri stable et réconfortant.
Un second recueil qui se bâtit en se libérant de ces carcans, ouvrant ses pièces à tous vents pour poursuivre l’exploration des questions identitaires.
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